Memories of murder, portrait robot du mal

Bonjour à tous, aujourd'hui nous partons pour la Corée du Sud, aux commandes, Bong Joon Ho avec son superbement malsain "Memories of Murder" aka 살인의 추억. Arrivé dans nos contrées en juin 2004, le film a remporté un grand succès et a porté le cinéma Coréen à travers l'Europe (aux côtés de réalisateurs comme Park Chan Wook et Kim Jee Woon avec "Old Boy" et "Deux Soeurs"). Réalisateur touche à tout, il nous propose ici un polar prenant pour contexte un pays en pleine révolution et surtout, une histoire inspirée de faits réels. En effet, le film s'inspire de l'histoire du premier Tueur en série ayant sévit en Corée du Sud, à son actif une dizaine de viols et de meurtres. Le coupable n'ayant jamais été identifié, il a sévit pendant 5 ans à Hwaseong (entre 1986 et 1991). Les enquêteurs ont pourtant travaillés d'arrache pied, mais ni les 3000 suspects interrogés et encore moins les 300 000 policiers mobilisés à travers le pays n'ont percés le mystère de cette série de crimes.
une dream team?...
Voilà, la minute "faites entrer l'accusé" est terminée. Maintenant petit point sur l'état du pays à ce moment là. Les faits repris dans le film interviennent alors que le pays est en pleine révolution. D'un côté il y a la peur d'un conflit avec la Corée du Nord (et donc de sacrifier toute une génération dans une série d'affrontements sanglants). De l'autre, une société qui tend à quitter sa tradition militaire et donc à vouloir acquérir (de façon très inégale)  une forme de liberté. Le pouvoir centrale est gangréné par la corruption et cela se ressent dans tous les organes qui le représentent, les forces de l'ordre n'y font pas exceptions. De plus, l'ouverture avec les USA change le champ des possibles et pousse une société vers une industrialisation et un développement économique qui accentue encore le retard technologique du pays. Autre point à noter, la société qui est principalement rurale (bien que son alphabet soit un des plus simples à apprendre) compte une belle proportion d'analphabète et de gens "simples" (attention, ces derniers savent s'exprimer mais dans un dialecte régionale). Les populations changent leur mode de vie et leurs habitudes afin de coller avec cette course au progrès technique et au développement commercial. C'est dans ce contexte, favorable à l'émergence de Causettes et de nombreux laisser pour compte que l'histoire se déroule. Le réalisateur nous propose d'ailleurs un polar s'appuyant sur deux policiers aux méthodes très différentes (rat des villes et rat des champs en quelque sorte) chacun présentant des défauts à la limite de la caricature mais qui reflètent malheureusement les capacités des services de polices de l'époque. Afin de garantir l'authenticité de son récit, Bong Joon Ho a travaillé pendant plus d'un an en effectuant des recherches sur place, en interviewant des policiers, des journalistes mais aussi des témoins. Toujours dans un soucis du détails, le tournage aura aussi lieu sur les lieux ou se sont déroulés les vrais crimes. En résulte une ambiance malsaine et étouffante dans laquelle tous les témoins deviennent suspects et ne sont finalement innocenté que trop tard avec l'apparition d'un autre cadavre.
Témoins, victimes, assassins?
Préférant la suggestion à des plans racoleurs, le réalisateur nous laisse tout le temps deviner et nous faire notre propre version du tueur, de ses crimes et surtout des tourments que ses victimes ont endurées. Une forme de violence qui se mesure à l'étalon de la violence employée par les forces de l'ordre. Entre les arrestations arbitraires, les faux témoignages, la violence employée pour obtenir des aveux et les manipulations de preuves... On tremble en pensant à ce que le réalisateur juge bon de nous épargner. Le carcan dans lequel se déroule l'intrigue a aussi quelque chose d'irréel, entre la beauté et le charme des champs en plein jour et l'aspect polar noir de la région la nuit, le contraste est saisissant. La pluie nous glace autant que les horribles crimes dans une ville qui à tout d'une ville fantôme peuplée d'ombres, de témoins potentiels mais surtout de tueurs. La force du cinéma coréen réside aussi dans sa facilité à montrer les multiples faces de ses personnages. Entre leurs secrets et vices mais surtout leurs pêchers. Les personnages sont aussi sombre que la nuit qui se fait complice des meurtres et l'on s'étonne de croiser quelques personnages "gris" cherchant à conserver l'idéalisme et l'innocence de personnes épargnées par la vie. La détresse des enquêteurs face à cette série de crime les placent devant leur responsabilités et l'on a alors le loisir de contempler un bel exemple du dicton "la fin justifie les moyens". Ainsi la frontière entre le bien et le mal semble des plus perméables, ce qui est un paradoxe propre à la Corée, derrière un respect des lois, il existe toujours une raison suffisante de les transgresser en payant le prix fort. (I saw the devil par exemple)
Quand la violence est banale...
Finalement l'horreur se retrouve dans le quotidien, le tueur n'est pas un génie du mal, il fait des erreurs, des traces sont relevés, à notre époque on aurait eu des éléments exploitables, mais les gens n'étaient pas autant marqués qu'à notre époque et quelque part il n'y a rien qui ressemble plus à un ouvrier asiatique qu'un autre ouvrier asiatique (n'y voyez rien de raciste, votre humble plume étant elle même d'origine Coréenne). Loin des clichés le tueur à un visage comme vous et moi, pas de super masque ou de carte de visite digne des plus grands profilers. Il représente le mal dans son absolu, simple, brutal, et surtout commun à tous. Rappelez vous, le véritable tueur n'a jamais été arrêté, et comme dans le film, il est la preuve que le mal peut se matérialiser partout à tout moment et peut faire de n'importe quelle lieu son nid. Bong Joon Ho nous a ainsi livré sur un plateau une affaire criminelle magnifiquement filmée et mise en scène, tout en travaillant sur la part de ténèbres de la société coréenne. Le plus grand tour de force étant qu'a quelques exceptions, le récit peut se transposer dans toutes les sociétés. Accentuant par la même occasion le côté universel du mal qui habite tout être humain.
un coin tranquille
Le film mérite amplement l'accueil qui lui fut réservé à sa sortie et ses nombreuses récompenses.
Coquille d'argent du meilleur réalisateur, Meilleur nouveau réalisateur et prix de la fédération internationales de la presse cinématographique au Festival international du film de Saint Sebastian de 2003. Prix du meilleur film asiatique au Festival international du film de Tokyo de la même année.
Prix du meilleur acteur pour Song Kang Ho, prix du meilleur réalisateur et du meilleur film au Festival Grand Bell Award de 2003. En 2004 c'est aussi une moisson de prix, Grand prix, Prix médiathèque, Prix spécial police, Prix Première au Festival du film policier de Cognac en 2004.
les enquêteurs changent au fur et à mesure...
©LP'C
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