Bien Vaillant celui qui est bienveillant

BIEN VAILLANT CELUI QUI EST BIENVEILLANT !

Trolls, rageux et autres blogeurs adeptes de la désinformation sans oublier ces Youtubers avides de casser du sucre pour des likes... Tout ce petit monde qui peuple nos réseaux virtuels ou non nagent comme des petits pirhanas dans les eaux d'Internet. C'est bien connu : le drama et le conflit a toujours mieux vendu que les sujets plus documentés, plus bienveillants... Le gros mot est lâché : bienveillance. Le prononcer à voix haute a quelque chose de presque transgressif de nos jours, un peu comme lorsque un petit sorcier à lunettes prononce le nom de vous-savez-qui …




Evidemment dans la société actuelle du tout concurrentiel, de la fast consommation et du buzz facile, pratiquer un concept aussi positif que la bienveillance s'apparente à du sport extrême. N'allez pas croire qu'être bienveillant est une voie qui mène au pays des Bisounours. Au contraire c'est une philosophie de vie qui demande, au delà d'un certain état d'esprit, une vraie pratique de l'écoute, de recueil d'informations et d'argumentation, le tout saupoudré de beaucoup de zénitude.
Je ne vais pas ici me lancer dans un long pamphlet philosophique, d'autres sites de développement personnel sauront mieux le faire que moi. Cependant, depuis des années et en particulier avec le développement d'Internet et des réseaux sociaux, force est de constater que pour un bon pourcentage d'utilisateurs : « plaisir » rime avec « détruire ». Et cela touche particulièrement un domaine qui m'est cher : celui du jeu vidéo. Il y'en a bien d'autres mais je vais me concentrer sur celui-ci car à l'origine de cet article il y'a une goutte d'eau (qui met le feu aux poudres comme dirait l'autre) : l'acharnement subi par le studio Watermelon pour leur jeu Paprium.

Le cas Paprium


Nous sommes en 2012, deux ans après la sortie acclamée et réussie du précédent titre du studio : Pier Solar. Ce dernier est un très ambitieux jeu  tournant sur Megadrive dans une cartouche de 64 mégabits couplée à l'utilisation de l'extension Mega Cd de la console pour ne faire aucune concession sur la partie audio. Watermelon décide de lancer son nouveau projet : le Projet Y. Celui-ci sera un beat'em all au fomat cartouche sur Megadrive et il devra tenir la comparaison avec les maîtres du genre qui sévissent déjà sur la 16 bits de Sega : Streets of Rage 2, Golden Axe 2, Splatterhouse 3 et autres Mazin Saga : Mutant fighters.


Pier Solar le premier titre du studio Watermelon
De l'ambition il y'en a et des compétences aussi comme l'a démontré Pier Solar qui reste encore aujourd'hui un petit exploit technique. Financé par les revenus de leur précédent succès couplé à une campagne de financement participatif et enthousiaste couronné de succès en 2012, le projet Y part sur de bonnes bases. Gwenaël Godde et son équipe peuvent alors pleinement se consacrer à leur mission de créer le meilleur Beat'em up de la console tournant à 60fps sur une cartouche boostée de 80 mégas et qui fera parcourir aux joueurs 24 niveaux avec une palette de couleurs affichées simultanément encore jamais vue sur la petite 16 bits de maître Sega. Une feuille de route remplie de défis techniques qui va vite prendre des allures de chemin de croix.
De 2012 à 2015, nombreux sont les financeurs (backers) à déplorer le manque de communication du studio sur les avancées du titre. Lorsque sort en mars 2015 la première vidéo de gameplay du titre la gronde commence à baisser d'un ton : le titre semble très beau, dynamique et conforme aux promesses de campagne. Mais hélas, l'état de grâce ne dure pas aussi longtemps que souhaité pour le studio qui se recentre sur lui même jusqu'en mars 2017 : date à laquelle une campagne de pré-commandes est lancée et où une fenêtre de sortie du titre est enfin annoncée et semble solide : automne 2017.

lien vers vidéo de gameplay : Ici



Affiche promotionnelle annonçant une sortie à l'automne 2017

Mais, alors que tout semblait être enfin rentré dans l'ordre, un problème avec la société de transfert de paiements Paypal intervient, bloquant les fonds destinés au studio de développement. Watermelon expose alors publiquement cette situation le 4 septembre 2017. C'en est trop pour de nombreux joueurs qui décident alors d'annuler leurs pré-commandes et seront alors remboursés intégralement (même si une minorité attend encore leur remboursement bien que celle-ci soit promis sous peu).
Un peu plus d'une année s'écoule et le 8 octobre 2018 Watermelon sort de son silence et annonce sa présence à un événement tenu à Paris le 27 octobre en l'honneur de la Megadrive pour fêter ses 30 ans. Dans son enthousiasme le développeur se laisse aller à annoncer que PEUT-ETRE le jeu serait disponible « autour de cette date » (site officiel).



Flyer pour la soirée des 30 ans de la Megadrive à Paris

A ce jour, le jeu n'est toujours pas sorti et si la soirée consacrée aux 30 ans de la Megadrive s'est avérée fort réussie grâce à une excellente ambiance et aux nombreuses animations mises en place (jeux emblématiques jouables, orchestre jouant des thèmes connus des licences Sega, un excellent buffet et même la distribution de goodies estampillés Sega et Paprium...), un petit parfum de déception était perceptible car malheureusement Paprium n'était pas aussi présent que l'aurait souhaité son papa qui avait fait le déplacement pour l'occasion.



Gwenaël Godde (à droite sur la photo) présentant son jeu au public

Pourtant tout était prévu : des bornes créées spécialement pour l'occasion et équipées de moniteurs PVM top qualité côtoyaient de nombreux goodies, des  impressions de manuels et autres jaquettes des différentes éditions du jeu. Mais hélas, l'approvisionnement en composants nécessaires à la production des cartouches a empêché la livraison de celles-ci dans une version jouable bien que non débuggée.



La borne dédiée aux couleurs de Paprium
créée spécialement pour la soirée



La PCB Megadrive du jeu Paprium présenté lors de la soirée


Le manuel du jeu


L'une des jaquettes du jeu Paprium


L'intérieur de la notice en couleurs

Gwenaël-  Fonzie -Godde se présente alors, une cartouche Megadrive à la main, devant toutes les personnes présentes . Il s'excuse pour son arrivée tardive et pour cause, en voulant rajouter au dernier moment des données sur le jeu qu'il s'apprète à présenter au public il a altéré la stabilité du programme. Il faudra se contenter d'une version en debug mode où les ennemis sont absents et où persistent des bugs d'affichage.

La présentation se fera sur un écran cathodique où, massées autour du créateur, les personnes présentes découvriront un jeu magnifique techniquement et qui, même s'il présente des bugs et ne permet aucune interaction contre les ennemis, semble proposer un gameplay riche en mouvements et une grande variété des situations. Nombreux sont ceux qui ont pu échanger avec Fonzie que ce soit afin d'en savoir plus sur leur investissement financier, sur le manque de communication du studio, sur la suite du projet ou juste pour montrer leur mécontentement. Une chose est sûre le responsable du projet ne s'est pas dérobé à ses responsabilités et a fait preuve de disponibilité auprès des personnes s'étant déplacé à cet événement.

Quand rôde l'odeur du bad buzz...

Nous avons ici tous les ingrédients factuels pour faire une bonne histoire. A nous de savoir si nous souhaitons la rendre bienveillante ou malveillante. Beaucoup ne se sont pas posés la question,hurlant avec la meute des mécontents, plus prompts à se faire entendre que les autres. Certains « influenceurs » se sont alors lancés dans une vaste campagne de désinformation. Et pour cause : plutôt que de creuser le sujet à la recherche d'informations et de réponses à venir chercher sur place, ils n'ont fait que récupérer quelques médias sortis de leur contexte et occulté nombre d' informations pondératrices et explicatives.

Du travail d'information ? Vous n'y pensez pas : il ne faut pas confondre investigation (journalisme pour d'autres) et sensationnalisme ! Et au royaume des « likes » et des « vus » le choix est vite fait pour certains, emmenant dans leur sillage boueux nombre de followers sensibles à leurs sourires sympathiques. Il faut dire qu'au même moment se tenait la Paris Games Week et que l'influenceurus tipicus est plus sensible à l'appel des sirènes du champagne sur moquette que du combo bière/ambiance underground. Dificile alors lui d'aller interroger le responsable du studio qui a fait exprès le déplacement pour la soirée et ainsi répondre aux interrogations de tous avant de repartir travailler sur son titre 24h plus tard.


Pour ma part (et heureusement je ne suis pas le seul, en atteste cette vidéo de Yannosh grand défenseur de la Megadrive),  dans le cas ici présent je pars d'un postulat simple : je jugerai une fois le jeu sorti. Je fais parti des backers du projet, je crois en celui-ci et en son équipe. J'ai donné de l'argent afin d'obtenir un produit fini en adéquation avec les promesses faites.  Quel est l'intérêt que j'ai à pourrir, insulter, monter une cabale personnelle envers Watermelon, Fonzie et son projet ? Cela fera t'il avancer plus vite le développement ? Non. Cela va t'il permettre à l'équipe de développement de travailler sereinement afin de rendre un produit fini de qualité ? Rien de moins sûr. Cela peut-il amener à sortir un jeu buggé, non fini et à décourager le studio de continuer ? Ce n'est pas à négliger. Cela va t'il me permettre d'éviter un ulcère ? Peut-être mais ce n'est pas cliniquement prouvé.

Lien vers la vidéo de Yannosh : 

Lorsque je backe un projet, je rentre dans un rapport que je veux gagnant-gagnant. Je suis un peu comme un producteur qui attend un retour sur investissement : je laisse faire les plus compétents de l'entreprise dans le processus de création et de production et j'attends en retour que le produit soit conforme à mes attentes. Je prends un risque en investissant mais je le prends sciemment et si j'estime que l'équipe chargée de répondre à mes attentes ne s'y prend pas correctement alors je leur demande des explications en privé ou publiquement mais avec politesse, déférence, avec bienveillance. Hurler sur une personne, colporter des rumeurs à son encontre , lui mettre une pression non appropriée dans le but de l'affecter mentalement et physiquement cela porte un nom : harcèlement. Ce mal est devenu tellement commun de nos jours, au même titre que la malveillance dont il est l'un des enfants honteux, qu'il ne faudrait pas pour autant le minimiser.

Dans le cas des développeurs de Watermelon, ceux-ci ont fait l'objet de vidéos haineuses, diffamatoires, de publications malveillantes, d'insultes personnelles... Et dans le lot ce ne sont pas que des backers du projet mécontents que l'on trouve mais aussi des personnes qui cachées derrière la toute puissance de leur clavier viennent mettre un petit coup de pied en loose lorsque la personne a un pied à terre.

Vous allez me rétorquer que l'éditeur n'a qu'à se défendre et vous aurez raison, partiellement raison. Le grand reproche que l'on peut faire à Watermelon c'est sa communication que je qualifierais (avec bienveillance donc...) de très maladroite et insuffisante. Ils se seraient octroyés beaucoup plus de sérénité si très tôt ils avaient décidé de créer des médias de communication réguliers : WIP de leur œuvre, des sketchbooks, des photos du studio à l'oeuvre, des FAQ... Mais au vu de la taille restreinte au minimum de leur équipe en ce moment, ils ont très certainement fait le choix de ne pas se disperser pour se concentrer sur leur cœur de métier. S'ajoutent à cela des maladresses sur les communications existantes (flyers aux couleurs de Paprium pour la soirée consacrée aux 30 ans de la Megadrive, distribution de goodies avant la sortie du jeu,...) ainsi que des aléas de production. 


J'ai fait le choix d'être bienveillant sur ce projet qui était dès le départ un projet ambitieux. Là où d'autres voient de la manipulation et des entourloupes je décide d'y voir des maladresses et de la malchance. Je ne vais pas reprocher une mauvaise communication, ce n'est pas pour en avoir une bonne que j'ai backé le projet :c'est pour avoir un bon produit conforme aux promesses qualitatives faites. L'avenir me donnera raison ou non mais si tel n'était pas le cas alors j'aurai gagné le droit de faire entendre mon mécontentement à qui de droit. La meilleure et la plus sage réponse en sera peut-être de ne plus croire en ce genre de projet ou à s'assurer plus de garanties.

La bienveillance, l'alliée
de la démarche sincère et du respect :

Le domaine du jeu vidéo est en pleine explosion depuis pas mal d'années maintenant. Il est même devenu un eldorado pour certaines entreprises ou personnes en recherche de notoriété et/ou de pièces sonnantes et trébuchantes. Il suffit de se rendre compte du nombre d'opérateurs de téléphonie et autres marchands de breuvages miracles qui se découvrent du jour au lendemain une passion pour le jeu vidéo en créant leur structure e-sport. Cyniquement : ils auraient tort de s'en passer au vu de la demande, méritent-ils pour autant de la bienveillance ? Au vu de la « sincérité » de leur passion pour le jeu vidéo en tant que tel : beaucoup de ces structures n'auront pas la mienne.


Fortnite, le « passeport pour la gloire »
Sur un plan purement personnel, ma bienveillance va vers ceux qui ont une démarche sincère dans leur projet, pas vers ceux qui voient en Fortnite le nouveau moyen de s'amener de la visibilité, pas vers ceux qui (apparté) surfe sur la nostalgie des passionnés pour se faire de l'argent en baffouant les œuvres originales (Nicky Larson et le parfum de Cupidon de Philippe Lacheau, Death Note Netflix, Blame Netflix...).
Nombreux sont également ceux qui, sous couvert d'une entreprise, d'une association ou d'une collectivité, profitent de la crédulité d'un public voire même parfois de leurs employés/membres travaillant à leurs côtés pour se faire de la visibilité ou pour poursuivre des objectifs plus personnels négligeant l'essence même de l'engagement de leur structure.
La bienveillance çà se cultive d'abord envers soi-même. Il faut apprendre à mettre son ego en sourdine et faire passer l’intérêt supérieur du collectif en priorité ; faire preuve d’empathie et de compréhension, pardonner les erreurs et essayer de communiquer posément.
La bienveillance c'est avant tout un choix : c’est à chacun d'opter pour la qualité de rapport que nous souhaitons entretenir avec l'autre. Mais si entamer un cercle vertueux est parfois difficile, essayer de l'esquisser est toujours plus valorisant que la malveillance.
Nos passions devraient rester une fête et nos différences devraient être nos richesses mais cela restera à jamais une utopie sans respect et sincérité.



« Vous allez finir par vous aimer les uns les autres bordel de merde ! »

PS : Un grand merci à Gwen Leblond et LaÏd Med de l'association Games'N Co pour les photos de cet articles. http://gamesnco.com/

©Jashuyan

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