« La virginité passé 30 ans » : un manga sévèrement burné !



Entre février et octobre 2014 le site japonais Gentôsha Plus publie une longue série d'articles consacrés à un sujet qui pourrait prêter à sourire mais qui cache une réalité sociétale peu reluisante : les puceaux tardifs.

Ces parutions vont alors rencontrer un énorme succès public en plus de défrayer la chronique dans les médias, faisant prendre conscience alors de l'ampleur du phénomène. Une édition reliée de ces articles verra le jour quelques mois plus tard agrémentée de modifications et de nouveaux éléments. C'est de ce livre-enquête que découle le manga dont je vais vous parler pour ma première critique dans « les p'tits curieux », l'heure pour moi de ne plus être un puceau sur ce blog !


 Atsuhiko Nakamura, déjà auteur du fameux Namae No Nai Onnatachi (« les femmes sans nom ») qui dressait un portrait sans détour de plusieurs actrices pornographiques japonaises et de leur milieu professionnel, signe son retour dans le monde de l'édition par la grande porte avec cet ouvrage après avoir mis sa carrière entre parenthèses afin de prendre un virage à 180° en ouvrant un centre de jour pour les personnes âgées.

C'est en travaillant dans ce secteur que l'horrible réalité lui saute au visage : c'est dans le domaine des services à la personne que nombre de puceaux tardifs officient. C'est au contact quotidien de l'un d'entre eux en particulier que Nakamura va alors se décider à traiter de ce sujet à grande force de témoignages, d'enquêtes, d'interviews, mais aussi de portraits.

Bargain Sakuraichi, à qui l'on doit nombre de mangas érotiques mais également  le whatzefeukesque (copyright Jashuyan) et remarqué « LadyBoy vs yakuzas l'île du désespoir » déjà chez Akata éditions (et dont je vous renvoie à l'excellente critique disponible ici ;) ), dévore l'enquête de Nakamura et se décide alors à l'adapter en manga avec sa participation. En résulte alors un manga-enquête sans concession, jusqu'au-boutiste dans son propos, sans fard ni détour que ce soit au niveau du dessin ou des dialogues.

Connu pour le trait fortement caricatural des personnages masculins, Sakuraichi s'en donne ici à cœur joie et accouche d'une sacrée galerie des horreurs ! Beaucoup des « puceaux tardifs » se voient croqués avec une férocité extrême, cela participe grandement à faire expérimenter au lecteur cette sensation de dégoût teinté de malaise que suscitent certains de ces acteurs. Bien sûr certains sujets ne sont pas aussi violemment épinglés, mettant ainsi en exergue leur détresse, leur mal de vivre ce « handicap ».

Si le fond du récit se veut sérieux et documentaire , l'auteur n'oublie cependant pas d'alléger allègrement le ton de son ouvrage par nombre de situations grotesques, dialogues orduriers, scènes érotiques fantasmées et autres blagues scatos assumées bien que parfois redondantes.

Le manga est découpé en portraits et à la fin de chaque portrait/chapitre Atsuhiko Nakamura le clôt par une chronique éclairant des points abordés lors de celui-ci avec de nombreux témoignages, photos et autres graphiques recadrant promptement le cadre bien réel de l'oeuvre.


Véritable OLNI (Objet Lisible Non Identifié) dans la production manga actuelle, « la virginité passée 30 ans » est un ouvrage à ne certes pas mettre entre toutes les mains mais qui se révèle passionnant pour le public averti qui souhaite plonger dans l'un des côtés obscurs de l'empire du soleil levant. Le problème dépasse le simple stade de la gaudriole et atteint des proportions inquiétantes au point que le gouvernement japonais a commencé à prendre de nombreuses mesures pour tenter de ligaturer certains problèmes (augmentation du niveau de diplôme pour les intervenants en maison médicales, surveillance accrue de certains centres d'accueil...). Un livre sans concession, facile à lire grâce à son style direct et incisif qui interpelle par un sujet bien plus profond qu'il ne laisse à penser : une réussite de plus dans le catalogue de Akata qui lui n'en est pas à sa première...

Jashuyan, marié deux enfants (et toc !;)


©Jashuyan
©DR

Commentaires

  1. La Vierge Marie avait un fils aussi, elle était pourtant... pucelle ! Bel article, Jashu, bravo !

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