Satoshi Kon, un artiste aussi talentueux que discret

Il y a des périodes où on a la tête dans le guidon, on veut faire milles choses et finalement on ne se rend pas compte de ce qu'il se passe autour de nous. À la fin du mois de mars j'ai lu sur le site Animeland, que le film Perfect Blue allait à nouveau enchanter nos yeux aux Splendor un cinéma du 10ème arrondissement. Moi qui avait tellement aimé ce film (comme bon nombre de mes amis) je me disais, allez c'est easy tu as plus d'un mois pour t'organiser!

Oui mais voilà, on est le 14, et je me rend compte que la petite alerte sur le bureau, cette saleté de lumière qui clignote correspond à mon rendez vous manqué avec un film tant aimé. Ce n'est qu'un film c'est vrai, mais c'était ma petite joie, mon petit plaisir coupable.

A mon regret s'ajoute le fait de penser à Satoshi Kon, son créateur, ce grand monsieur aux multiples talents et qui est pourtant resté si discret. Si je vous parle Animation Japonaise vous serez nombreux à me parler de Ghibli, Otomo, Miyazaki... Toutes ces références sont bien évidemment bonnes. Mais bien peu penseront à lui et je tente de me racheter en vous proposant de présenter son parcours dans les quelques lignes qui vont suivre.

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Né le 12 Octobre 1963 au Nord du japon à Kushiro, il va étudier le design virtuel sur les bancs de l'Université d'Art de Musashino située dans la banlieue de Tokyo. En 1984 il va remporter le prix Tetsuya Chiba organisé par Young Magazine grâce à "Toriko Prisonnier". Ce premier succès lui vaut de travailler avec un artiste qu'il admire depuis qu'il a lu "Domû", Mr Katsuhiro Otomo. (rien que ça quand même) Il devient son assistant sur un titre non moins impressionnant "Akira". Cette collaboration au sein des éditions Kodansha marquera son travail, dans un premier temps on retrouvera le design réaliste qu'aime tant Otomo ainsi que l'utilisation d'enfants doués de pouvoirs évoluant dans un contexte futuriste mais tellement semblable à notre monde.

Katsuhiro Otomo, le maitre qui aura une grande influence sur Satoshi Kon

(Des oeuvres comme Kaikisen le pacte de la mer  ou bien Toriko et ses histoires courtes publiées en france par Pika et regroupées dans Fossiles de Rêves.)

Co scénariste du film live "World Apartment" avec Katsuhiro Otomo il se chargera d'adapter ce film en manga quelques mois après sa diffusion.

Satoshi Kon commence ensuite une carrière dans le monde de l'animation ayant en charge la direction artistique des décors pour l'OAV "Roujin Z" (avec bien entendu mr Otomo aux commandes)

Mamoru Oshii un duo de rêve avec Satoshi Kon mais...

En 1993 il est à nouveau en charge des décors mais cette fois ci c'est Mamoru Oshii qui fait appel à ses services pour le film Patlabor 2.

Cette collaboration amènera les deux artistes à travailler sur un manga, "Seraphim".

Entre le talent de Satoshi Kon et les thématiques riches abordées par Mamoru Oshii c'est une production triple AAA que tout le monde attendait. C'était sans compter sur deux visions très différentes de la narration et de la présentation des idées, le projet s'étalera sur la période 1995-1996 avant de finalement être suspendu puis repris en 2010. (publié aux édition IMHO en 2013 pour vous faire une idée du résultat donné par la collaboration de ces deux grands artistes)

Opus, un avant gout de son talent pour le découpage du récit...
Ce manga met en scène Chikara Nagai, un mangaka qui va se retrouver propulsé dans son manga car un de ses personnages se refusant à mourir lui vole une planche...
Partant de ce point, Satoshi Kon va jouer avec la réalité et l'imaginaire, imbriquant des scènes les unes dans les autres tout en gardant constamment le contrôle sur son scénario. Malheureusement la revue Comic Guy qui publie son oeuvre va fermer scellant ainsi le destin d'une oeuvre qui aurait méritée plus que 19 chapitres. (Disponibles aux éditions IMHO)

Satoshi Kon à bien trops de talent pour ne pas rebondir, il devient responsable de la mise en scène sur le 5ème épisode de la série d'Oav "Jojo's Bizarre Adventure" et s'occupera des scénarios et story-boards des épisodes 8 à 13.
En 1995 Il retrouve Katsuhiro Otomo pour le projet "Memories, il est alors en charge de la gestion des décors et du scénario sur le segment "Magnétic Rose".

1997, Il réalise son premier film d'animation, il est âgé de 34 ans et du haut de ses 6 ans d'expériences dans ce domaine il va surprendre tout le monde avec le film "Perfect Blue". Tiré d'un roman de Yoshizaku Takeuchi, il va développer tout son talent, mettant en avant un personnage féminin au premier plan et autour duquel toute sa narration va s'animer. La femme toute puissante change de statut perd son emprise sur la réalité qui était la sienne et se bat pour la reconquérir. Oscillant toujours entre la réalité et l'imaginaire, la figure féminine permet à Satoshi Kon de jouer avec les désirs, les doutes, les peurs et les aspirations pour nous guider haletant jusqu'à la conclusion de son film.

Ce succès va permettre à Satoshi Kon de réaliser les films "Millenium Actress" et "Tokyo Godfathers".

 

En 2004 C'est le format série télé auquel Satoshi Kon va s'attaquer avec "Paranoia Agent". Comme à son habitude il va jouer avec la réalité et l'imaginaire pour nous perdre dans un univers fantastique, mais là ou réside son talent c'est que ce sont des facteurs normaux qui rendent ce monde fantastique, le stress, la peur, la réussite, nos doutes et nos principes... Les 13 épisodes permettent à Satoshi Kon d'utiliser son talent pour en faire un plaidoyer contre le suicide, invitant les gens à exprimer leurs sentiments plutôt que de les refouler et de les voir prendre des proportions les rendant incontrôlables (comme dans "Paranoia Agent")

En 2006, l'Occident reconnait le talent de Satoshi Kon avec son film "Paprika", adapté du roman de Yasutaka Tsuitsui. C'est d'ailleurs l'auteur du roman qui, admiratif par le travail fait sur "Millenium Actress" interviendra auprès de Satoshi Kon pour  que l'adaptation de son roman se fasse.

(Petit bonus: Satoshi Kon et Yasutaka Tsuitsui doubleront deux barman et se donneront la réplique au cours d'une scène pleine de complicité pourvue qu'elle soit regardé en version originale...)

9 ans après Perfect Blue, c'est la consécration pour cet artiste, je vous invite à consulter les critiques de Paprika qui seront bien plus techniques que moi et vous comprendrez mieux ce que je viens d'écrire.

C'est tout ce que je peux dire sur ce grand monsieur qu'était Satoshi Kon mort le 24 Aout 2010 à l'age de 46 ans, je m'en veux mais c'est pourtant le cas, je ne suis pas un très technique et mes mots ne sont pas suffisant pour qualifier ce que j'ai vu, j'espère juste vous avoir donner au moins un peu envie de découvrir ou redécouvrir ses oeuvres et peut être que maintenant vous penserez un peu à lui, au moins un petit peu, même un tout petit peu.

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